IX Champagne : janvier - juin 1918
Introduction à la restitution du journal de marche de René Verney
IX
Secteur de Champagne (18 janvier – 20 juin 1918)
Cette période qui fait suite à plusieurs mois de prise de position près de Saint-Quentin (Aisne) (voir chapitre VIII), peut être considérée comme intermédiaire dans le parcours de René Verney qui change deux fois d’affectation en moins de quatre mois sans quitter le secteur. De l’artillerie (43e RAC) il passe à l’infanterie (74e RI) et, promu au grade de médecin-major 2e classe, occupe finalement les fonctions de médecin chef de service du 24e RI.
Itinéraire de René Verney du 18 janvier au 20 juin 1918
18 janvier - 14 mars (43e RAC) - 14 mars - 25 mai (74e RI) - 1er-20 juin (24e RI)
Noms de lieux cités en légende renvoyant à la pagination de l’album (accès aux clichés voir index général) :
Mailly (camp de) à Mailly-le-Camp (Seine-et-Marne), Dosnons (Aube), Sompuis (Marne) p. 194-195
Souain (Souain-Perthes-les-Hurlus, Marne) p. 198-205
Sommepy-Tahure (Marne), p. 207 ?
Suippes (Marne), p.200
43e RAC (18 janvier - 14 mars 1918)
L’Album de la guerre de René Verney (p. 194-195) ne renferme que 7 clichés correspondant à la première partie de cette campagne en Champagne qui clôture son parcours au sein du 43e RAC.
Le 3e groupe accompagne en effet le mouvement de la 5e DI qui doit prendre position sur le front à l’est de Reims en prévision d’une offensive ennemie attendue sur le secteur. La campagne débute avec le débarquement en gare de Chavanges (Aube) le 18 janvier suivi d’une longue phase d’exercices des batteries en cantonnement à Saint-Utin (Marne) (28 janvier-16 février) et de manoeuvres divisionnaires pour les cadres (29 janvier-15 février) organisées au camp de Mailly, vaste terrain militaire de 12 000 ha pour partie installé sur les communes de Sompuis (Marne), Mailly-le-camp et Dosnons (Aube). René Verney y participe, les sept clichés de l’album illustrant le cantonnement (p. 194) et certaines actions de terrain spectaculaires (pointage sur tanks p. 195).
Aucun cliché ne rend compte du mouvement du groupe à partir du 16 février, comme de l’installation dans le cantonnement des échelons sur la Marne à Boursault à partir du 19, suivie de la prise de position des 7e, 8e et 9e batteries à partir du 3 mars dans le sous-secteur Wagram à l’est de Souain (Souain-Perthes-les-Hurlus, Marne), les échelons cantonnant définitivement à partir du 6 mars à Suippes (Marne). Le 43e RAC reste en position dans le secteur de Souain-Perthes-les-Hurlus jusqu'à sa relève par le 62e RAC du 15 au 16 juin et son départ pour la Somme le 17 juin 1918.
Le journal de marche de René Verney au sein du 3e groupe du 43e RAC, parait ainsi se refermer (p. 196-197) par trois cartes postales vierges, l’une présentant une vue d’Epernay et deux autres du château de Boursault. Il ne quitte définitivement le 43e RAC que le 14 mars 1918, affecté à cette date au 74e Régiment d’infanterie. Restant ainsi pour un temps attaché au service de santé de la 5e division, il ne quitte pas le secteur de Souain. Ainsi, dans les pages suivantes (p. 199 et 200), trois photographies, peut-être légèrement plus tardives (datées de mars-mai 1918) portent un dernier regard sur le groupe d’artillerie au sein duquel il aura passé trois ans et demi de sa vie.
Cette période de transition correspond en effet au sein du service de santé de la 5e division, à une intense période de mouvement de personnel. Le médecin principal Armynot du Châtelet qui dirige le service de santé divisionnaire depuis le début du conflit est ainsi lui-même remis à disposition du ministre le 26 février 1918. Il est remplacé à son poste par le médecin major 1ère classe Viallet qui encadre cette évolution.
Aucun tué n’est à déplorer au cours de la période, le 3e groupe du 43e RAC ne comptant dans la deuxième quinzaine du mois de mars (après le départ de R. Verney) qu’un blessé léger et 3 intoxiqués par les gaz.
Le nombre de jours d’indisponibilités au corps n’a pas connu de variation au cours de cette période (154 jours par mois en moyenne en février et mars) s’inscrivant parfaitement dans la moyenne enregistrée depuis près d’un an.
Les maladies contagieuses ordinaires restent dominées par les diarrhées et les affections digestives (48% des cas enregistrés avec une moyenne de 72 cas par mois), les affections respiratoires et courbatures fébriles restant stables (31 cas en moyenne par mois). Alors que l’épidémie d’oreillons qui touche la division depuis janvier-février affecte le 3e groupe du 43e RAC avec 3 cas en mars. Il s’agit des premiers cas enregistrés au sein du groupe depuis deux ans.
voir la suite :
Le Journal de marche restitué illustré HD (43e RAC)
Pertes du 3e groupe du 43e RAC
Relevé effectué d’après les JMO régimentaires
Blessés
-LANDA, canonnier, 7e batterie, blessé le 15/03/1918 à Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne)
Intoxiqués
-BISSANGE , sergent auxiliaire d'infanterie, intoxiqué le 19/03/1918 à Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne)
-LECOMTE, caporal auxiliaire d'infanterie, intoxiqué le 19/03/1918 à Souain-Perthes
-SERRURIER, téléphoniste, 9e batterie, intoxiqué le 19/03/1918 à Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne)
Téléphonistes du 2e groupe du 43e RAC. Secteur de Souain (Marne) 05/05/1918 (cliché hors album)
Sur ce cliché figure le téléphoniste Joseph Chatelot (reg. matric.) de la 4e batterie affecté à l'état-major du 2e groupe
(Photographie originale coll. verney-grandeguerre)
74e RI (14 mars – 25 mai 1918)
L’Album de la guerre de René Verney (p. 196-205) renferme 24 clichés correspondant à cette seconde partie de la campagne de Champagne durant laquelle il est affecté au 74e RI.
Ce régiment appartient comme le 43e RAC depuis le début des hostilités à la 5e Division d’infanterie. Il est donc également à Souain, dans le même sous-secteur que le 3e groupe du régiment d’artillerie. Il y est encadré des deux autres régiments qui ont rejoint la division depuis mai et novembre 1917, le 5e RI placé à sa droite et le 224e RI placé à sa gauche.
Voir la page consacrée à la présentation générale du 74e RI
Depuis sa prise de position à Souain le 3 mars, la situation est relativement calme pour le 74e RI. On ne compte au cours de ces deux semaines qu’un seul blessé, le 14 mars, le jour même où Reney Verney rejoint son unité (le 2e bataillon ou bataillon Amadieu). C’est le 20 mars alors que ce dernier vient de monter pour huit jours en première ligne, que débutent les attaques ennemies marquées par d’intenses bombardements et des tentatives de coups de main entrepris par les unités d’élite allemandes (Stoßtruppen).
Ainsi du 20 au 24 mars, on dénombre au sein du 2e bataillon 6 tués, 15 blessés et 30 intoxiqués, de nombreux obus toxiques touchant parallèlement différents points du secteur notamment la position intermédiaire du sous-secteur Wagram alors occupé par le 3e bataillon au sein duquel on dénombre 55 intoxiqués.
L’offensive est de courte durée puisqu’à compter 25 mars et tout au long des deux mois suivants, règne un calme précaire, marqué par quelques tentatives de coup de main, le survol incessant des lignes par l’aviation ennemie et le harcèlement par des tirs d’obus toxiques. Le bataillon enregistre durant cette période (25 mars-25 mai) 1 tué, 1 blessé, 5 intoxiqués et 2 disparus.
L’une des préoccupations majeures du service de santé divisionnaire concerne naturellement la lutte contre les gaz qui intoxiquent 275 hommes et officiers au sein de la division, parmi lesquels 130 hommes au sein du 74e RI de mars à juin. Lors de l’attaque des 20-24 mars est soulignée la diversité des gaz employés tout en considérant l’usage de l’ypérite comme prédominant. Les traitements d’urgence appliqués constituent en un lavage des yeux au sérum ou plus simplement à l’eau bicarbonatée, gargarisme et ingestion de la même solution, lavage au savon des parties cutanées découvertes, changement de linge (si possible). L’évacuation des intoxiqués est effectuée le plus rapidement possible.
Le médecin divisionnaire explique alors le nombre important des intoxiqués par l’imparfait usage qui est fait des protections mises à la disposition des troupes. Nous pouvons ainsi noter que, contrairement aux mois précédents au cours desquels une attention particulière était portée par le service de santé à la formation des hommes, aucun exercice ou revue de masque ne paraît avoir été mis en place depuis le 25 janvier.
L’état sanitaire des troupes du 74e se caractérise au cours de ces trois mois par le faible nombre de maladies contagieuses enregistrées (une dizaine de cas mensuels pour un effectif compris entre 2 500 et 2600 hommes). Une épidémie d’oreillons se déclenchant en avril (9 cas recensés) semble endiguée début mai, au moment où se multiplient les états grippaux (23 cas recensés) ces derniers disparaissant avant la fin du mois.
Muni de cette première expérience de 3 mois et demi au sein d’un régiment d’infanterie, René Verney est nommé au grade de médecin major 2e classe le 23 mai, et affecté le 25 mai en tant que chef de service au 24e Régiment d’infanterie.
voir la suite :
Le Journal de marche restitué illustré HD (74e RI)
24e RI (1er – 20 juin 1918)
L’Album de la guerre de René Verney (p. 194-195) ne renferme que 4 clichés pouvant être mis en relation avec la période avec laquelle il achève au sein du 24e RI, son parcours dans le secteur de Champagne.
Si avec cette nouvelle affectation, il quitte définitivement le service de santé de la 5e division d’infanterie, il ne quitte pas la Champagne. Pour sa prise de fonction effective enregistrée par le médecin chef du service de santé de la 6e DI le 1er juin 1918, il s’est en effet porté à moins de 10km de Souain. Le 24e RI arrivé en Champagne début mars 1918 avec la 6e DI dans le secteur des Hurlus, y a relevé le 18e RI. Le bataillon placé en 1ère ligne occupe le saillant de Tahure. Le bataillon de soutien occupe une position intermédiaire nouvellement organisée qui englobe la cote 200 ou est installé le PC du colonel, le fonds de Perthes et les pentes au sud du village. Le bataillon de réserve est installé au camp F.
Voir la page consacrée à la présentation générale du 24e RI
Les trois bataillons du régiment se succèdent en première ligne encore deux semaines et ce jusqu’au 17 juin date de sa relève par le 31e BCP.
Aucun cliché ne rend compte précisément de cette dernière phase de la campagne de Champagne en dehors peut-être de trois clichés de matériel allemand non situé (p. 207 : masque à gaz, minenwerfer). Contrairement au quatrième cliché (canon de 77) qui peut être associé à une prise de guerre réalisée par le régiment sur l’Aronde (voir ce chapitre) peut-être doit-on les associer à l’activité du 24e RI antérieures à son départ du secteur le 20 juin en gare de Valmy. Ce dernier est simplement évoqué par deux cartes postales vierges, vues du monument élevé en mémoire de Kellermann (p. 206).
Les pertes du régiment, du 1er au 20 juin s’élèvent à 6 tués, 27 blessés dont 17 par gaz à l’ypérite et 2 disparus. Il doit être souligné que suivant le rapport du médecin divisionnaire, le 24e RI a eu à souffrir le 28 mai d’une attaque à l’ypérite, gaz toxique à effet prolongé et persistant. Les 174 hommes évacués ont ressenti les symptômes de l’intoxication après avoir retiré leurs masques de protection 2 heures après la fin des bombardements.
Les informations relatives aux malades et indisposés sont lacunaires. Il est seulement possible de souligner la persistance début juin (37 cas du 1er au 20) de l’épidémie de grippe (influenza) déjà enregistrée en mai et à laquelle est due la forte augmentation de jours d’indisponibilité enregistrée au cours de ces deux mois.
voir la suite :
Le Journal de marche restitué illustré HD (24e RI)