43e RAD et 243e RALD, 1939-1944
43e régiment d'artillerie divisionnaire et
243e régiment d'artillerie lourde divisionnaire, 1939-1944
Lors de la mobilisation en septembre 1939, le quartier Decaen abrite le 43e RAD (voir chapitre précédent). Le 243e RALD (régiment d'artillerie lourde divisionnaire), recomposé à partir de ses 5e et 6e groupes se mobilisant quant à lui à Cherbourg. Unités hippomobiles, elles disposent, la première, de trois groupes de batteries de pièces de 75 et d'une batterie de défense antichar (10e batterie), dotée en novembre 1939 de pièces de 47, et la seconde, de deux groupes de batteries de 155C Schneider. Pour une approche des classes d'âge et l'origine géographique des contingents mobilisés voir : 1939-1945 Prisonniers de guerre du 43e RAD et 1939-1945 Prisonniers de guerre du 243e RALD.
Le 43e RAD (chefs de corps colonel Tisne puis colonel Debroise) et le 243e RALD (chefs de corps colonel Mallassinet puis commandant Le Lièvre de la Morinière), constituent l'artillerie divisionnaire de la 6e division d'infanterie (division de réserve de la 3e armée) et s'associent ainsi au mouvement des 36e, 74e, 119e RI et du 13e groupe de reconnaissance de division d’infanterie (G.R.D.I 13). Les JMO régimentaires conservés par le Service Historique de la Défense (43e RAD : 34 N 571/9 à 14 ; 243e RAD : 34 N 663/1 à 3), constituent ici une source de premier plan sur leur parcours durant le conflit.
Il en va de même du Journal de campagne et de prisonnier de guerre du capitaine de réserve Raymond Leconte, commandant la 3e batterie du 43e RAD, conservé aux archives départementales du Calvados (AD14 151J/5) dont nous proposons une exploration (Voir : 1939-1940 - Journal du capitaine Raymond Leconte, 43e RAD). Le récit permet en effet de suivre au jour le jour le parcours de son unité, depuis la mobilisation jusqu'à sa reddition le 21 juin 1940. Prisonnier de guerre, son journal rend également compte des conditions de son transfert et de son séjour au sein de l'Oflag VI A à Soest en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.
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Carte de combattant de Raymond Louis Leconte (Montoire 1898 - Caen 1965)
Capitaine de réserve, commandant la 3e batterie du 43e RAD (1939-1940)
(Archives départementales du Calvados AD14 151/J5)
Accédez ici à la présentation et à la retranscription de son Journal
Durant la Drôle de Guerre les deux régiments d'artillerie qui accompagnent la 6e D.I. sont tout d'abord dirigés par train vers Novion-Porcien (Ardennes) pour une période d'instruction, participant entre septembre et octobre 1939 à des exercices et manoeuvres divisionnaires organisés au camp de Sissonne (Aisne).
En novembre et décembre, les unités de la 6e DI gagnent la ligne de défense de la frontière du Nord, région d'Hirson (Aisne), venant en renfort à la 9e armée en charge du secteur défensif. De janvier à mars 1940 la division réintègre la 3e armée se déplaçant en Lorraine, et prenant position sur la frontière de la Sarre, dans le secteur défensif du Boulay (Moselle). Les batteries du 43e RAD et du 243e RALD intégrées au Détachement Avancé de Soutien de la 6e DI, en position en avant de la ligne Maginot à Ham-sous-Varsberg et Creutzwald, y reçoivent le baptême du feu (de janvier à mi-mars 1940). La Division est ensuite placée au repos à l'est de Verdun (Meuse) de la mi-mars à début mai où elle est finalement mise en alerte.
Durant la Bataille de France la 6e DI est, à compter du 10 mai 1940, mise à disposition de la 2e armée qui assure la défense des derniers points forts septentrionaux de la ligne Maginot implantés dans la vallée de la Chiers (secteur fortifié de Montmédy, Meuse). Du 15 mai au 10 juin 1940 les 43e RAD et 243e RALD font ainsi face aux assauts des unités de la 16e armée allemande dont ils contribuent à stopper la progression alors que par ailleurs le front se disloque.
Tout d'abord positionnés à l'est de la Meuse dans le secteur de Stenay (Meuse), les unités participent au maintien de la ligne de front entre Inor et Malandry. Le 22 mai, la 6e DI est relevée et prend une nouvelle position à une quinzaine de kilomètres à l'ouest, sur la rive gauche de la Meuse, dans le secteur de Saint-Pierrepont et Sommauthe (Ardennes), où elle relève la 6e division d'infanterie coloniale à partir du 26 mai.
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Le 243e RA de la 6e DI en position près de Stenay, secteur 2e armée, 20 mai 1940
Clichés ECPAD / SCA - ref. 2ARMEE 106 B1170-B1190, B1210 (source : Images défense)
L'ensemble de ses unités y oppose une résistance acharnée face à un ennemi qui tente de percer vers le sud pour prendre à revers la ligne Maginot. Alors que la progression allemande a été contenue, le 10 juin 1940, est ordonné le repli général.
La retraite qui s'engage, entraîne les 43e et 243e régiments d'artillerie jusqu'au sud de Toul (Meurthe-et-Moselle), où ils sont finalement capturés par l'ennemi le 21 juin 1940 dans les bois du Fey entre Thuilley-aux-Groseilles et Viterne. Débute alors pour les combattants, la détention tout d'abord en camps de transit notamment à Nancy et Bar-le-Duc, puis en Allemagne, le transfert ayant lieu entre la fin juillet et la fin août. Les officiers sont alors répartis entre différents oflags, les hommes du rang étant regroupés dans divers stalags où ils sont réquisitionnés et envoyés dans de multiples commandos de travail, aussi-bien pour des travaux de terrassement que dans des mines, des usines, des exploitations agricoles, voire chez des artisans ou des commerçants (Voir : Durand Yves, . Paris, Hachette ed. 1975).
Au sein des 100 numéros de la Liste officielle ... de prisonniers français : d'après les renseignements fournis par l'autorité militaire allemande : nom, date et lieu de naissance, unité, n° de camp "Frontstalag", "Stalag" ou "Oflag", périodique édité par le Centre national d'information sur les prisonniers de guerre entre le 12 août 1940 et le 15 juin 1941, il est possible d'identifier pas moins de 698 hommes du 43e RAD et 566 du 243e RALD. Nous renvoyons ici aux pages où ces listes sont restituées, car elles éclairent l'ultime étape de l'histoire régimentaire sous la forme de multiples parcours individuels (1939-1945 Prisonniers de guerre du 43e RAD et 1939-1945 Prisonniers de guerre du 243e R.A.L.D.).
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Accéder ici aux 100 numéros du périodique consultables sur Gallica
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Raymond Leconte (1898-1965) capitaine commandant la 3e batterie du 43e RAD
Journal de campagne et de détention ; plaque d'identité, matricule 3649, oflag VI A de Soest (Westphalie)
(Archives départementales du Calvados 151J/5 - Archives familiales Leconte)
Accédez ici à la présentation et à la retranscription du Journal
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Raymond Leconte (1898-1965) capitaine commandant la 3e batterie du 43e RAD
plaque d'identité, matricule 3649, oflag VI A de Soest (Westphalie)
(Archives départementales du Calvados 151J/6 - Archives familiales Leconte)
Accédez ici à la présentation et à la retranscription de son Journal
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Léon Leroux (1912-2007), canonnier 1ère classe au 243e RALD
Plaque d'identité, matricule 63014
Stalag VII A Moosburg-an-der-Isar (Haute-Bavière)
Sur son itinéraire voir : 1939-1945 Prisonniers de guerre du 243e R.A.L.D.
(documents famille Léon Leroux)
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Léon Leroux (1912-2007), canonnier 1ère classe au 243e RALD
commando ferme Xavier NASSL, Poigern (Haute-Bavière), 25/10/1942
Sur son itinéraire voir : 1939-1945 Prisonniers de guerre du 243e R.A.L.D.
(documents famille Léon Leroux)
Parallèlement la base des soldats décédés au cours de la seconde guerre mondiale accessible sur le site Mémoire des hommes, recense les noms de 78 hommes du 43e régiment d'artillerie bénéficiant de la mention "Mort pour la France". Ils y sont enregistrés comme appartenant soit au 43e RA, au 43e RAC ou 43e RAD.
Parmi ceux-ci, on peut dénombrer, malgré les imprécisions sur les conditions de leur décès, 1 homme mort au cours de la Drôle de guerre et pas moins de 35 morts au cours ou des suites de la Bataille de France. Par ailleurs on en dénombre 25, décédés durant leur détention en Allemagne.
De la même manière on peut identifier 45 hommes du 243e régiment d'artillerie "Morts pour la France" quant à eux enregistrés comme appartenant aux 243e RA, 243e RAC, 243e RAD ou 243e RALD.
Parmi ceux-ci on en dénombre pas moins de 12, décédés au cours ou des suites de la Bataille de France et 27 durant leur détention en Allemagne.
Suite à l'armistice signé le 22 juin 1940, les régiments sont dissous, le quartier Claude Decaen comme son annexe, l'ancien site de la pyrotechnie militaire étant placés sous l'autorité de l'armée allemande et rapidement transformés par l’occupant en camps d’internement.
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Caen, reddition des soldats français à la caserne Claude Decaen, juin 1940
(Archives départementales du Calvados cote 2FI/882 Don de Jean-Paul Houdan)
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Caen, quartier d'artillerie Claude Decaen,
civils rendant visite aux prisonniers de guerre français à la caserne (été 1940 ?)
(Archives départementales du Calvados cote 2FI/882)
De 1941 à 1944, il est procédé dans l'enceinte de la caserne d'artillerie, à l'exécution capitale d’une soixantaine d’otages civils français. Une simple plaque commémorative, implantée au croisement de l’avenue Georges Guynemer et de l’avenue du 43e régiment d’artillerie, en entretient aujourd'hui la mémoire (voir le site : sgmcaen.free.fr).
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Plaque souvenir en hommage aux fusillés du quartier Claude Decaen.
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Caen, Kaserne - Quartier Claude Decaen, cliché allemand (1940-1944)
(photographie originale - coll. verney-grandeguerre)
Parmi les victimes de la répression nazie, une place doit ici être réservée à Louis Jules Eugène Renouf (Caen 1917 - Caen 1944), engagé volontaire au 43e RAD en 1939 au grade de 2e canonnier conducteur et affecté à la mobilisation à sa 6e batterie (2e groupe).
Combattant durant la Drôle de guerre et la Bataille de France au sein du 43e RAD (Voir : 1939-1940 - Journal du capitaine Raymond Leconte, 43e RAD), il est fait prisonnier le 27/06/1940 à Vézelise (Meurthe-et-Moselle). Interné au stalag III B de Fürstenberg-sur-Oder près de la frontière polonaise, il est affecté comme travailleur dans une mine de Silésie puis comme ouvrier agricole dans une ferme. Libéré le 23/08/1941 en tant que soutien de famille, il est de retour à Caen le 25/08/1941. Après une période de convalescence, il reprend son activité professionnelle de mécanicien tout d'abord au sein de différents garages de Caen, puis à la SNCF comme sérrurier auxiliaire au dépôt de Caen.
Membre du réseau de résistance Front national, il est arrêté sur dénonciation par la Gestapo le 15/05/1944 et fait partie des détenus sommairement exécutés au sein de la maison d'arrêt de Caen, le 06/06/1944 (voir ensemble de documents personnels et notice biographique par son frère Claude conservé aux AD 14). Elevé à titre posthume au grade de sous-lieutenant de Forces Françaises Combattantes (Résistance Fer), il est fait chevalier de la Légion d'honneur, décoré de la Croix de guerre avec palme et de la médaille de la résistance. Une rue de Caen porte désormais son nom.
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Louis Renouf (d'après document orginial AD 14)
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(voir également Le massacre de la maison d'arrêt de Caen, 6 juin 1944 sur le site des AD14 et Quellien Jean, Vico Jacques, Massacres nazis en Normandie, les fusillés de la prison de Caen. Charles Corlet ed. 2004. ISBN 2847061533).
Parmi les anciens officiers du 43e régiment d'artillerie impliqués dans les combats de juin 1944, nous devons citer les noms des capitaines Louis Cyrille Dommanget (Vanault-le-Châtel 1881 - Caen 1944) et Robert Louis Le Coutour (Coutances 1894 – Caen 1944).
Le capitaine Dommanget, admis en 1934 à faire valoir ses droits à la retraite, occupe alors les fonctions de Chef de section de la défense passive. Il est tué le 6 juin 1944 à son poste au PC n°5 (rue de Falaise)(voir Index des noms de personnes)
Le capitaine Le Coutour, ancien commandant de la 13e batterie du 43e RAD en 1938-1939 et affecté au 82e R.A.N.A en mars 1940, est radié des cadres d'office en septembre 1942. Engagé dans la résistance dès la fin de 1940 au sein de l'Armée des volontaires, puis au sein de l'Organisation civile et militaire (OCM), il est nommé en 1944 chef des FFI de l’arrondissement de Caen. C'est dans cette fonction qu'il est mortellement blessé en service commandé le 6 juin 1944 à Caen, rue des Jacobins (voir la présentation qui lui est consacrée sur site des Archives du Calvados).
Capitaine Louis Cyrile Dommanget Capitaine René Louis Le Coutour
Album R. Verney p. 83 Archives du Calvados cote 6J/72
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